Essais

Passés, présents et futurs de l’Afrique

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Par Jérémie Banel

Librairie Libertalia (Montreuil)

Deux livres pour penser l’Afrique : son passé, si peu connu et pourtant si riche et loin des clichés dans l’un, son histoire récente marquée par la colonisation et son avenir dans l’autre. Au cœur des deux, une richesse culturelle et intellectuelle, et des voix oubliées, ignorées.

Il nous avait enchantés avec son Rhinocéros d’or, publié en 2013 (Alma), et chacun de ses livres, érudits et sensibles, ouvre de nouvelles perspectives dans les façons d’appréhender l’Histoire. On le retrouve ici à la direction de l’ouvrage L’Afrique ancienne cinquième tome de la collection « Mondes anciens », incontournable depuis sa création par Joël Cornette. Fidèle aux tomes précédents, ce volume richement illustré réussit le tour de force de synthétiser plus de 20 000 ans d’Histoire à l’échelle d’un continent sans céder ni à la simplification ni à l’extrême spécialisation. Considérant le peu de sources écrites disponibles telles qu’utilisées habituellement par les historiens, il a fallu utiliser toute la gamme des outils historiques permettant de suivre le fil et les traces de ces civilisations pour la plupart disparues. Le voyage au fil des chapitres n’en est que plus passionnant, l’amateur d’Histoire n’ayant que peu l’occasion de s’émerveiller devant tant de découvertes. Terra incognita pour le grand public, l’Histoire de l’Afrique ancienne méritait un tel livre. Et si nul ne peut prétendre que l’homme africain n’est pas entré dans l’Histoire, il est bon de savoir que celle-ci est maintenant accessible à tous ! La discussion entre l’anthropologue Jean-Loup Amselle et le philosophe Souleymane Bachir Diagne, proposée dans leur livre d’entretiens En quête d’Afrique(s), est évidemment bien plus contemporaine puisqu’interrogeant à la fois la colonisation et les mouvements de dé- et de post-colonisation, mais reprend à bien des égards un certain nombre de thématiques abordées précédemment. En effet, parmi la somme de sujets que ces deux grands penseurs évoquent au fil de leur correspondance, la place et le rôle de l’Afrique en tant que sujet d’Histoire tient une place centrale. Leurs échanges, de haut niveau intellectuel, possèdent à la fois la saveur de la complicité, mais aussi le goût de la joute verbale et du débat virulent, agonistique parfois, respectueux toujours. Maniant, interprétant et déconstruisant parfois l’un et l’autre les concepts centraux de l’analyse de la situation historique de l’Afrique, ils passent allègrement de la conférence de Bandung au soufisme via Senghor et Césaire, questionnent l’universalisme, en emmenant le lecteur avec eux dans une conversation passionnante et érudite.