Littérature étrangère

Elizabeth Crane

Une famille heureuse

illustration

Chronique de Marie Michaud

Librairie Gibert Joseph (Poitiers)

La revoilà ! La famille américaine de la classe moyenne avec son avalanche de névroses et de problèmes existentiels et relationnels. Elizabeth Crane en brosse le portrait décapant et pathétique dans son nouveau roman au titre savoureusement ironique : Une famille heureuse.

Permettez-moi de vous présenter la famille Copeland, cette « famille heureuse » annoncée par le titre. Il y a d’abord le père Gordon, gérant de supermarché qui ne manque pas une occasion d’étaler ses « wiki-connaissances », et la mère Jean, dont la fréquentation d’un club de lecture l’a conduite à une relation extra-conjugale (on vous a déjà dit que la lecture est une chose dangereuse !) Il y a ensuite les enfants, Priscilla, post-ado caractérielle dont l’unique ambition est de faire de la télé, et Otis, 9 ans, passionné de mots croisés dans lesquels il transpose son quotidien. Il y a enfin le grand-père Theodore, dont la Parkinson commence vraiment à poser des problèmes, et l’arrière-grand-mère Vivian, 98 ans, qui fait payer à ses proches de n’être plus ce qu’elle était au temps de sa splendeur. Tout ce petit monde vit donc heureux (c’est-à-dire sans faire de vagues) dans une ville universitaire du Midwest et habite une agréable maison pourvue d’un non moins délicieux terrain paysagé. Mais « en ce moment, il y a quelques tiraillements dans la famille Copeland ». Comprendre : le père croit qu’il perd la boule, l’amant de la mère vient de se suicider, la fille pète les plombs parce qu’elle a été éjectée d’un casting pour une émission de télé-réalité… La structure morcelée de cette chronique familiale est le parfait reflet du (dys)fonctionnement de cette famille qui ne parvient pas à vivre ensemble, seulement à en donner l’illusion, chacun de ses membres étant totalement centré sur lui-même. L’humour mordant d’Elizabeth Crane nous régale page après page au gré de situations étonnantes et des réflexions incongrues des personnages. Alors, heureuse, la famille Copeland ? Non, bien sûr ! Pour notre plus grand plaisir !

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