Littérature française

Vanessa Bamberger

Alto braco

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photo libraire

Chronique de Anne Lesobre

Librairie Entre les lignes (Chantilly)

Après Principe de suspension (Liana Levi) qui décrivait l’effondrement d’un homme dans l’industrie et ses effets sur le couple, Vanessa Bamberger explore aujourd’hui les problèmes des éleveurs de vaches en Aubrac.

Brune a grandi, élevée par ses deux grands-mères, au-dessus du Catulle, le bistrot qu’elles tenaient porte de Champerret. Douce et Granita, deux sœurs, inséparables et pourtant si différentes, opiniâtres et fantasques, ont quitté Lacalm, leur village de l’Aveyron, pour Paris et n’y sont jamais retourné. Brune n’a jamais posé trop de questions. Dans le corbillard qui la ramène pour les funérailles de Douce dans l’Aubrac (Alto Braco, haut lieu en occitan), elle traverse des paysages battus par les vents et désertés par ses habitants. Elle ne s’attend pas du tout à ce que cet enterrement fasse surgir du passé tant de mensonges et de secrets enfouis, ni à ce que ce retour au pays natal produise un tel bouleversement dans sa propre vie. Entre souvenirs d’enfance et discours techniques sur les Limousines, Salers et autres Aubrac, la meilleure race bien sûr puisque la plus résistante au rude climat de la région, nous découvrons en même temps que Brune ce monde rural pétri de traditions et de nécessaire modernité d’un côté, et le réseau de bistrots parisiens constitués par des auvergnats durs à la tâche de l’autre. Au fur et à mesure qu’elle rencontre les villageois et que se révèlent les tragédies qui jalonnent la vie de sa famille, elle prend conscience de ses racines et d’un fort sentiment d’appartenance à cette terre. À la fin, cette histoire de famille, dont chaque membre détient un morceau de vérité, s’assemble comme un puzzle, dissipant tous les secrets. Construit en quatre parties, comme les quatre moments d’un repas, ce roman est à la fois drôle et grave, sarcastique et insolent, à l’image de Granita qui n’hésite jamais à brocarder ses congénères avec un dédain magistral, qu’il s’agisse des rivalités entre Aveyronnais ou Lozériens ou de l’élevage des différentes races de vaches.